SHEHERON
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 Musarder sous un ciel hivernal

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Legend ¤ The Phœnix King

Aaron R. Blackrain

Aaron R. Blackrain
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MessageSujet: Musarder sous un ciel hivernal   Musarder sous un ciel hivernal Icon_minitimeVen 16 Mar - 20:14

Musarder sous un ciel hivernal 170783tumblrm03s65ZZ9A1qbsh19o1250

Une fine bruine d'or opalescent gélifiait l'atmosphère matinale de la cité de Denerim, encore endolorie par les stigmates d'un éveil récent. Les prunelles de bleu diaphane du souverain miraient les cieux chargés de nébulosités nivales, persuadé qu'ils aborderaient une journée neigeuse qui saupoudrerait leur paysage de cette pèlerine hivernale qu'il admirait tant. Ainsi vêtu d'épais vêtements brodés de fourrures et ornementés de la figure héraldique des Blackrain, il patientait aux abords des écuries royales tout en observant les structures de la ville qui lui étaient visibles. L'aurore était l'instant qu'il préférait, autant pour la beauté de l'évènement que pour cette indicible fierté dont se drapait la nature une fois la nuit engloutie. Un instant de poésie pure que l'homme vieillissant qu'il était appréciait, plus sensible à l'univers que son flegme ne laissait présager. Néanmoins, les prémisses du jour avait une saveur particulière, des effluves d'une quiétude paternelle et de curiosité. Son héritier était enfin rentré de sa pérégrination, et quand bien même son départ n'adviendrait que trop tôt, c'était là une accalmie au malaise qui le guettait chaque jour d'absence en plus. Paradoxalement au mauvais sang qu'il s'en faisait, il n'avait accordé que peu d'attention envers Markus qui aurait pu se mortifier de cette apparente indifférence s'il ne connaissait pas son père. Leurs réelles retrouvailles n'avaient pu avoir lieu dû aux besognes protocolaires engendrées par la présence des nombreux invités à Noirpalais, une demeure qui s'embrasait de vie et de tractations ancestrales. Mais résolu à ne pas délaisser son rôle auprès de ses enfants, Aaron avait tenu à profiter de quelques heures en la seule compagnie de son aîné quitte à ankyloser les affaires intestines du royaume le temps d'une badauderie. Une décision à laquelle il était parvenu en plein coeur de la soirée et qu'il imposerait sans escompter de quelconques râles, pas même ceux de son épouse lorsqu'il eut quitté le lit conjugale pour se préparer. Il avait ensuite envoyé son factotum tirer Markus de sa narcose pour lui annoncer sa volonté, à savoir : qu'il se hâte pour le rejoindre sans guère se poser plus de questions.

Cela faisait donc plusieurs minutes que le suzerain s'affairait à une introspection comme à chaque attente qu'on lui infligeait. Il sentit un heurt soudain se loger dans son échine, un coup de museau de la part de sa monture qui semblait d'avantage s'impatienter que lui. Sa main vint cajoler les naseaux de l'animal à la robe d'ébène, un pelage bariolé de quelques nuances qui avaient convaincu le souverain de se l'approprier il y de longues années de cela. Un compagnon de course qu'il n'avait pas quitté depuis son acquisition et qui lui renvoyait l'affection octroyée. C'est alors qu'il crut percevoir un hennissement éloigné, puis un galbe suivi d'un cheval fièrement apprêté pour sortir. Aaron attendit jusqu'à ce que son fils atteigne sa hauteur et l'observa, placidement, s'amusant presque de cet air apathique qu'il lui offrait après s'être fait réveillé de la sorte. Un frêle ricanement s'extirpa de son gosier avant qu'il n'assène une tape amicale sur l'épaule du jeune homme, puis il grimpa sur son destrier, prompt à se mettre en route. C'est ce qu'il fit une fois que Markus fut à son tour enclin à se déplacer, le binôme s'éloigna sous les oeillades évasives des écuyers qui s'en retournèrent à leurs tâches. Déjà, le roi tapota les flancs de sa monture pour le mettre au trot et encourager son héritier à en faire de même, le malmener en toutes circonstances était une marotte de laquelle il ne pouvait se détacher. Le monde appartenait à ceux qui savaient ouvrir les yeux avant la plèbe, un adage qu'il n'avait eu de cesse de leur répéter lorsque certains faisaient preuve de paresse. Il ignorait quel avait été le quotidien du jeune prince ces dernières semaines, si sa mission n'avait été qu'une sinécure, il ne lésinerait pas sur les efforts pour lui remémorer la rudesse d'une existence de souverain, celle qui l'affublerait une fois coiffé de la couronne. Cette réalité était certes encore éloignée, car bien qu'avançant dans l'âge, l'actuel monarque n'était point encore prêt à léguer son trône et ses responsabilités inhérentes à son titre. Au contraire, il n'était qu'en pleine analyse de son légataire qui avait là l'opportunité de faire ses preuves et tout intérêt à être digne de de son rôle de héraut. Le jeune homme se savait-il étudié comme lui le faisait envers le peuple de Sheheron ? Aux dernières nouvelles, son père n'avait pas élevé une fratrie d'ineptes et son doute aurait été somme toute légitime. Un sujet qui mériterait d'être abordé en temps et en heure.

Le couplet de cavaliers creusèrent un sillon de leur passage dans la neige fraîche, les quelques courtisans qu'ils croisèrent s'appliquèrent à les saluer avec toute la déférence entendue, avant qu'ils ne s'éloignent de la civilisation pour s'enfoncer dans la contrée. Leur mutisme n'était qu'une invitation à la contemplation, celle d'une chevauchée sur des terres sauvages et riches de patrimoine historique. La discussion était pour l'instant futile, la compagnie même silencieuse de son enfant suffisait à le satisfaire jusqu'à ce qu'il en ait décidé autrement. Pour le moment, la vision de la chaine montagneuse qu'ils longeaient avait toute son attention, comme s'il ne faisait que la découvrir pour la première fois, ceci à chacune de ses promenades. Pouvait-on trouvé souverain plus féru de son domaine qu'il ne l'était ? Il se demandait si ses fils étincelaient de cette même extase lors de leurs randonnées et autres déplacements, ou s'ils restaient insensibles à cette magnificence par la force de l'habitude.

« Ne traine pas fils. » Déclara t-il en pivotant vers le plus jeune. « Il n'est pas coutume de sommeiller sur son destrier. Allons ! »

Si sa réplique n'était pas à prendre dans son sens le plus littéral, elle était en revanche destinée à gouailler du prince en contrebas. En effet, la suzerain achevait l'escalade d'une colline pentue qui semblait n'avoir guère épargné le cheval de Markus, celui-ci glissant presque aussi furtivement qu'il n'essayait de grimper. La scène désopilante s'acheva enfin lorsque le prince parvint à le rejoindre, puis, point disposé à lui laisser le moindre répit, reprit aussitôt route. Lui-même ignorait l'exactitude de leur destination, il laissait son orientation intuitive décider de leur marche jusqu'à ce que ce même instinct ne lui susurre de s'immobiliser. Il nourrissait l'envie de n'avoir rien aux alentours pour mieux se dévouer à l'échange qu'il aurait avec son aîné, il aimait à toujours accorder son exclusivité à chacun de ses poupons pour qu'ils se livrent à d'hypothétiques confidences. Aussi, peut-être le jeune homme avait-il nombre de faits à lui confesser, si tel n'était pas le cas, il espérait au moins qu'il se satisfasse de cette excursion surprise. Ils poursuivirent ainsi leur chemin, se laissant aller à la lenteur pour conserver les forces de leurs étalons. Aaron caressa le crin noirâtre de son compagnon chevalin tout en furetant les environs qui s'offraient à eux. Il posa enfin son regard sur Markus situé juste à ses côtés, une lorgnade calme dotée d'une once de tendresse, celle qu'il ne s'autorisait qu'en parfaite intimité. Il sembla interroger le jeune prince, avant qu'une risette ne naisse progressivement aux commissures de ses lippes, sincère et avenante.

« As-tu fait bon voyage ? » Il reprit presque aussitôt, précisant le réel sens de sa question. « Comment vas-tu ? »

Si les intérêts politiques planaient dans un coin de son esprit, il ne voulait pas les aborder, pas immédiatement quand bien même celles-ci arriveraient rapidement dans leur conversation. Il voulait tout d'abord s'assurer du bien-être de son héritier, ou du moins, se l'entendre dire.
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Markus S. Blackrain

Markus S. Blackrain
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MessageSujet: Re: Musarder sous un ciel hivernal   Musarder sous un ciel hivernal Icon_minitimeSam 17 Mar - 21:23


L'envol d'un aigle ☼
« Sire… Votre père désire vous voir, réveillez-vous… » Je me tournais dans mon lit avec difficulté, redoutant ce moment où j’aurais à sortir pour faire face au froid. Ce n’est pas que je n’aimais les basses températures, mais j’avais perdu l’habitude. À Sheheron, le temps était clément et le soleil brillait chaque jour, illuminant l’île et dégageant une chaleur qui en avait déconcentré mes soldats durant les quelques entraînements. L’homme insista et je pris enfin la peine d’ouvrir les yeux. L’homme qui m’avait dérangé dans mon sommeil était un des valets de mon père, mais parmi eux, il était un peu l’homme à tout faire. Il m’avait toujours amusé d’ailleurs. Il n’était pas très grand et maigrichon — à se demander s’il se nourrissait le midi ? — et il passait son temps à courir partout. Il travaillait pour nous depuis longtemps, et c’était toujours lui qui me réveillait quand mon père voulait me voir, tôt le matin. « Sire, vous devez vous lever, le soleil vous suivra » Mon encéphale fit alors le rapprochement entre la scène et ce que je savais. D’un grand mouvement, je balançais ma couverture à l’autre bout de la chambre et me relevais, restant assis sur le lit pendant une ou deux secondes en silence, le temps de me remettre de mon violent réveil. « Mais pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ?! » Il n’osa rien répondre mais j’imaginais très bien ce qu’il pouvait penser “ Mais Sire ! Je vous l’ai dit mais vous ne m’avez pas écouté ! ” Décidemment, ce n’était pas cette nuit que j’allais me reposer de mon voyage… Je ne fis appeler aucun autre valet pour me préparer, ayant pour idée d’aller à la rencontre de mon père dans une tenue simple et pratique ; je reviendrai à ma chambre en toute discrétion si notre entrevue venait à durer. « Où veut-il que je le rejoigne ? », Demandais-je en enfilant une simple chemise blanche, en coton. « Le parvis de Noirpalais, Sire. Il s’agirait d’une promenade à cheval » Donc il fallait aussi que j’aille sceller Maadielgo. Alors que ma journée était loin d’être remplie, j’eus l’impression de ne pas avoir le temps de tout faire. Sûrement l’inquiétude de faire attendre le roi ? Je me hâtais d’autant plus, mais prenais tout de même le temps de passer une brosse dans mes cheveux pour qu’ils soient moins emmêlés et pour que j’ai un minimum l’air sérieux. Je demandais au valet d’aller me chercher une pomme en vitesse et de me rejoindre aux écuries royales.

Là encore, le destin ne fut pas de mon côté. Je me dirigeais au box habituel de mon étalon mais ne trouvais qu’un vulgaire cheval gris. Et s’il lui était arrivé malheur durant mon absence ? La panique me saisit, et je commençais à vérifier toutes les stalles dans le seul but de le retrouver. Si je devais chevaucher ce matin, c’était bien sur son dos. Malgré la fatigue, je pourrais le reconnaître d’entre mille avec des centaines de mètres nous séparant ! C’est ainsi que le calme revint quand je le vis au fond de l’écurie. Que faisait-il là-bas ?! Je soupirais et commençais déjà à vociférer quand le valet m’apporta ma pomme. Je lui fis garder le fruit pendant que je m’occupais de trouver une bonne scelle, etc. Choses qui durèrent un moment et qui me mettaient dans un état de stresse incroyable : j’avais été absent pendant plus d’un mois, et voilà que je faisais attendre mon père, c’est-à-dire le roi, à l’extérieur un matin de fin d’hiver. Là, tout se passa à une vitesse si folle que je ne saurais vous expliquer, mais le résultat était là : j’étais enfin au lieu de rendez-vous. Mon père ricana, se moquant probablement de mon expression fatiguée, et ce fut finalement le moment de quitter la cour de Noirpalais. Je me contentais de suivre mon géniteur, n’ayant absolument aucune idée du lieu où il voulait m’emmener. À le voir, j’en vins même à me demander si lui savait où nous allions… Je souris, amusé par le fait que cette balade n’était prévue que depuis quelques heures, à peine.

Le jour n’était pas encore complètement là, l’aube était encore reine. Ce moment de la journée était un de mes favoris, mais mon sommeil m’emportait souvent plus loin, m’arrachant la possibilité d’en profiter. J’avais su trouver une alternative avec le temps. Souvent, je m’offrais un moment de solitude lors du crépuscule, ces deux moments étant les plus fins et subtiles de la journée. Et de ce que je voyais, je pouvais conclure que celle-ci allait être chaude et ensoleillée, pour Farelden bien sûr. Leandra allait rester frigorifiée et peu habituée à ces basses températures, ce qui allait probablement m’amuser un petit peu. D’ailleurs, était-elle levée ? Ou dormait-elle encore ? Comment se sentait-elle ici ? Que pensait-elle de nous, Continentaux ? Trop de questions qui allaient avoir du mal à obtenir des réponses claires et nettes. « Ne traîne pas fils » Je sursautais et sortis de mes pensées pour faire accélérer un peu Maadielgo qui semblait tout aussi peu éveillé que moi. Je me rendais alors compte que mon père avait décidé de passer par une colline, ce qui demandait un effort à mon étalon. « Il n'est pas coutume de sommeiller sur son destrier. Allons ! » Je gardais le silence mais donnais un petit coup dans les flancs de mon compagnon pour arriver en haut. Mais aucune minute de répit ne nous fut laissée, et la route reprit de plus belle. Où voulait-il nous emmener ?! Plus nous avancions, et plus j’avais l’impression que nous quittions toute trace de civilisation. Le souvenir d’anciennes promenades resurgit alors, et je compris, du moins en partie. Moins il y avait de chance qu’on rencontre quelqu’un, plus nous pouvions être naturels l’un avec l’autre.

Le roi finit par ralentir, ce que je trouvais être une excellente idée ! Je pris enfin la peine d’observer à nouveau le paysage qui nous entourait, environnement qui m’avait manqué durant mon voyage. Si je m’y étais habitué avant, je devais admettre que je ne pourrais pas vivre sans. Le soleil était toujours en train de se lever et, fier, je regardais l’horizon avec un air de vainqueur. Aujourd’hui, j’avais été le premier à sortir du lit. « As-tu fait bon voyage ? … Comment vas-tu ? » Je tournais lentement la tête, n’ayant pas très envie de réagir rapidement après un réveil aussi violent (car oui, je le trouve violent), et réfléchis à sa question, qui était pourtant simple. Que devais-je lui dire ? Je décidais de jouer la carte de la franchise totale, comme d’habitude. « Je vais bien, merci. Mais… » Je sentis son regard se poser sur moi avec encore plus d’intensité, et je continuais avec un ton plus léger. « Je me suis juste cassé une côte. Mais elle est en voie de guérison, je n’ai quasiment plus mal. Ils ont de bons médecins » Bons médecins qui pouvaient se montrer très étrange, et je pensais à celle qui m’avait soigné, Morrigan. « Quant à mon voyage, il s’est bien passé et ce, malgré les différences de températures entre ici et là-bas. » Mais il avait déjà du le comprendre : ma peau avait considérablement pris des couleurs, celle de Leandra avait naturellement cette légère teinte, et les soldats qui étaient venus avec moi en étaient au même point. Je ne savais pas tellement quoi lui dire d’autre, et me risquais à lui retourner la question. « Et vous ? Comment vous portez-vous ? » Je mourrais d’envie de le serrer dans mes bras, de lui dire à quel point Denerim m’avait manqué, de lui raconter tout ce que j’avais vu et entendu. Mais une étrange force m’en empêchait, comme si ces deux mois à l’écart avaient suffi pour me rendre timide face à mon père.
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Aaron R. Blackrain

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MessageSujet: Re: Musarder sous un ciel hivernal   Musarder sous un ciel hivernal Icon_minitimeDim 18 Mar - 16:20

L'héritier de Farelden semblait bien peu prompt à la discussion alors fraichement sorti du lit, celui-ci s'était déjà montré sous de meilleurs jours. Le souverain allégua cet esprit évasif à l'asthénie accumulée durant sa pérégrination ainsi que leurs récentes sorgues de fête. Il s'interrogea sur les conditions de l'îlienne, s'était-elle adaptée à la disparité des éléments entre Sheheron et le Nord du continent ? Tant de besognes à traiter et si peu de temps pour le faire, il ne s'était toujours pas ployé l'opportunité de s'entretenir avec Leandra en dépit de l'importance de sa présence. Piètre hôte qu'il faisait, il lui faudrait y remédier au plus tôt dans la mesure où ses obligations risquaient de l'agricher plus furtivement qu'il ne l'aurait souhaité. Il s'était également aperçu de la fatigue similaire ornementant les faciès des soldats eux aussi revenus de l'archipel exotique, tout comme le hâle venu sublimer leurs épidermes initialement blêmes. Il semblait que l'astre diurne luise de toute son incandescence par-delà l'océan, le paysage était-il édifié d'amoncellements de plantes verdoyantes, voire de littoraux de sable opalin ? Il n'avait de cesse de se questionner sur l'apparence de cette contrée maritime, si la splendeur éthérée qu'il s'en faisait presque était justifiée ou seulement affabulée. Songeur à ses heures, il s'avouait curieux et quelque peu impatient de glorifier ce peuple de sa venue prochaine, il aurait ainsi tout le loisir de jauger le potentiel de cet havre avant ses rivaux. Les informations qu'il s'apprêtait à recueillir seraient d'ores et déjà un avantage qu'il ne se priverait pas d'exploiter, cependant, la première des nouvelles ne fut point jouissive. S'il eut été assez sot pour penser que cette mission ne comportait aucuns risques si ce n'était diplomatiques, Markus venait de lui faire entendre l'inverse, créant la stupéfaction chez le seigneur. Avait-il essuyé quelconque rixe ou sentit le besoin de faire preuve de son hardiesse ? A moins qu'il ne s'agisse que d'une malheureuse culbute ayant endolori son enfant ?

Ce dernier ne sembla point s'en alarmer, contrairement à son père qui abordait mille et une conjectures sur la cause de sa meurtrissure. Néanmoins, il n'eut pas souvenir de la mention d'un incident dans les dernières missives qu'ils avaient échangées, et il doutait que les îliens aient laissé une jouvencelle en guise d'émissaire s'ils avaient crainte de quelle que complication que ce soit. Si l'honneur restait sauf, Aaron n'appréciait en revanche que peu de ne pas en avoir été avisé plus avant, pire encore, que son fils s'en ressente si détaché. A moins qu'il ne soit celui qui aggravait les choses plus que de raison ? L'éventualité n'était pas impossible, il jalousait la santé de ses précieux garçons même s'il ne faisait officiellement pas preuve d'une excessive bienveillance. Là encore, la pudicité de son être alliée à la formalité de son rang le prévenait de toute démonstration excessive. Qui plus est, ses fils avaient tous – ou presque – atteint l'âge de raison, ils étaient à considérer comme des hommes n'ayant guère plus besoin d'être choyés. Pourtant, ses prunelles étincelantes de trouble furetèrent les épais vêtements du jeune homme, comme s'il escomptait discerner sa blessure à travers ceux-ci, puis il l'observa en arborant une mimique ombragée.

« Une côte brisée ? Comment donc ? » Il expira un râle agacé, prouvant que finalement, peu lui importait la cause. « J'espère que tu n'as pas avalé je ne sais quelle panacée sur leur seule bonne foi, tu laisseras les praticiens du palais t'examiner à notre retour. »

Le roi n'avait pas même soulevé la question qui lui avait été renvoyée tant le détail de cette mésaventure l'avait contrarié. Il aurait en effet préféré que Markus se présente de son propre chef aux médecins qui peuplaient leur demeure plutôt qu'être contraint de lui en donner l'ordre. Au moins était-il à présent certain qu'il irait se faire ausculter, lui désobéir aurait été une bien folle action. Par ailleurs, son regard se posa sur les sinuosités enneigées du paysage, insigne preuve qu'il ne désirait pas poursuivre sur ce sujet auquel il n'admettrait aucune objection. Il lui faudrait cependant s'assurer que Syanna n'ait pas connaissance de cette vétille à moins de lui offrir là une opportunité de se gausser du jeune prince, et de revenir à l'assaut avec ses idéaux d'héritage nés de lubies maternelles. La reine avait bien été l'unique personne à s'être offensée du retour de son légataire quand bien même elle s'était évertuée à camoufler son aigreur. Aaron se demandait si elle irait jusqu'à espérer la mort de son aîné ou ourdir des complots pour que Reghan soit légitimé comme le successeur de la couronne. Si l'hypothèse semblait insensée, elle résonnait pourtant dans sa boite crânienne au point de l'en rendre suspicieux. Pourtant, il n'avait aucune envie de prendre exemple sur le schéma familial des Raleigh, vivre avec la perpétuelle anxiété d'être poignardé dans le dos au sein de son propre foyer. Cette vision noire lui arracha un soupir qui eut au moins le mérite de le résigner dans sa contrariété, aussi, reconsidéra t-il l'intérêt du jeune homme pour sa santé. Après tout, lui aussi était en droit de savoir.

« Je me fais vieux, mais je ne suis pas encore disposé à passer l'arme à gauche. Les Clarence semblent pourtant l'espérer à force de mendier à notre porte, j'ai perdu le décompte d'audiences au bout de la septième. Ils tenaient à profiter de la moindre occasion pour rappeler aux Hope qu'ils sont toujours là, prompts à faire oeuvrer leurs tractations dans le but d'évincer leurs éternels rivaux. » Il ponctua d'un frêle ricanement sardonique. « J'ai comme l'impression que nous aurons tôt fait d'avoir de leurs nouvelles maintenant que Ser Aleksander et toi êtes rentrés. »

Il lui jeta un regard entendu, persuadé qu'en effet, les plaintes des camps vassaux surviendraient entre deux banquets et à l'abri de la curiosité des familles souveraines présentes pour quelques temps encore. Des anicroches intestines qu'il laissait parfois à Markus le soin de démêler en guise d'entrainements déontologiques, en veillant tout de même à garder un oeil sur les décisions et conséquences qui en découlaient. Le suzerain ne tenait pas particulièrement à inscrire une nouvelle insurrection seigneuriale dans leurs archives, il n'était pas parvenu à arrêter la Grande Révolte sans effusions de sang pour que l'histoire finisse pas se répéter sous son règne, ou même celui de son descendant. C'était la raison pour laquelle il tenait à ce que son héritier soit enclin à gérer les conflits avec intelligence, par ailleurs, son amitié avec Aleksander ne devait pas entraver son jugement. Ceci étant, il était rare que les Hope soient responsables des dites querelles, ce qui évitait à la couronne d'avoir à semoncer leurs précieux alliés. La politique était un terrain pentu et parsemé de pièges en tout genre qu'il fallait pourtant savoir conquérir, car par-delà les risques, se trouvait la précellence. Mais au-delà des apparences sommeillait également la rancoeur, et Reghan n'avait pas lésiné sur les efforts pour apparaître aux yeux de leur père aussi souvent que faire se peut. Il semblait médire son demi-frère un peu plus après chaque crépuscule, cette haine graduelle commençait à inquiéter le vieux souverain qui ne voyait aucune solution à apporter. Il espérait que son second enfant ferait preuve de suffisamment d'intellect pour ne jamais donner vie à ses pensées, auquel cas, ce serait le royaume tout entier qui tremblerait d'une déclaration de guerre fraternelle. Il jugea donc mieux de ne pas aborder ce thème controversé pour mieux s'aventurer vers d'autres cieux, ceux desquels Markus prendrait bien plus plaisir à parler.

« Nous aurons nombre de choses desquelles débattre et qui méritent toute ton attention. Mais en attendant... » Il le regarda. « La parole t'est laissée. »

Dit-il alors qu'il les firent prendre un tournant. Aaron venait de laisser libre arbitre à son fils, celui-ci pouvait à présent lui parler de tout ce qu'il désirait, concernant ou non Sheheron. Qu'importe les dires, il y prêterait l'oreille.
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Markus S. Blackrain

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MessageSujet: Re: Musarder sous un ciel hivernal   Musarder sous un ciel hivernal Icon_minitimeVen 23 Mar - 18:23


L'envol d'un aigle ☼
Le soleil dépassait aux trois quart de l’horizon, illuminant de sa douce lumière les plaines qui nous faisaient face. La neige avait commencé à fondre à l’approche de l’été, même si elle était encore très présente. Enfin tout est relatif… J’étais quasiment sûr que le Roi Aidan Heyward, venant d’Albyon, trouvait ce paysage affreusement glacial. Personnellement, je le trouvais plus chaud qu’à l’habituelle. Un silence suivit ma petite annonce sur ma côte cassée, et je sus, avant que mon père ne me réponde, qu’il ne l’avait pas très bien pris. Il répéta mes mots d’un air agacé et je serrais les dents… Dans ce genre de moments, je me rendais compte à quel point nous pouvions être capricieux : il n’avait pas voulu que je lui envoie de courrier, mais voilà qu’il se plaignait implicitement de ne pas avoir été informé plus tôt… Je ne fis cependant aucun commentaire : on ne répond pas au Roi sans avoir été invité à le faire. « J'espère que tu n'as pas avalé je ne sais quelle panacée sur leur seule bonne foi, tu laisseras les praticiens du palais t'examiner à notre retour. » Je me contentais de légèrement tourner la tête vers le côté, comme vexé par ses paroles, alors qu’elles ne me concernaient presque pas. J’avais fait venir un médecin de Farelden, et il n’avait pas su m’aider. Alors je ne voyais pas en quoi ces hommes allaient pouvoir m’aider, alors que j’étais près de la guérison complète, mais qu’importe. Je le ferai, puisque telle est sa volonté. Je préférais changer de sujet, et me risquais à lui demander si lui allait bien. Cette question devait être celle qu’il avait le moins entendu dans sa vie de souverain, mais cela devait faire presque deux mois que nous ne nous étions pas vu… J’estimais avoir le droit de m’informer sur sa santé, même si c’était moi qui avais quitté nos terres.

Il sembla réfléchir à l’attitude à adopter, car durant quelques minutes, je ne sus que faire. Seule la Nature osait rompre ce silence de réflexion. Je me contentais d’admirer, n’osant plus prononcer un seul mot. Lorsque le son de sa voix retentit, je crus me sentir sursauter, mais je me concentrais vite : il prenait la peine de me répondre. « Je me fais vieux, mais je ne suis pas encore disposé à passer l'arme à gauche. Les Clarence semblent pourtant l'espérer à force de mendier à notre porte, j'ai perdu le décompte d'audiences au bout de la septième. Ils tenaient à profiter de la moindre occasion pour rappeler aux Hope qu'ils sont toujours là, prompts à faire œuvrer leurs tractations dans le but d'évincer leurs éternels rivaux. » Je laissais échapper un sifflement agacé et discret. Ces Clarence ! Cette famille ne souhaitait que notre perte, et pourtant, ils faisaient partis des plus notables. Quelques années plus tôt, durant le règne de mon grand père Aleksander Blackrain, c’était eux qui avaient organisé la Grande Révolte. Aucun Blackrain ne leurs faisaient confiance… Qui se reposerait sur des Serpents ?

« J'ai comme l'impression que nous aurons tôt fait d'avoir de leurs nouvelles maintenant que Ser Aleksander et toi êtes rentrés » Surtout que le banquet était ce soir. Toutes les familles royales étaient invitées, et nos familles vassales allaient être présentes. Je n’étais pas sûr des intentions de mon père sur ce projet d’ailleurs, mais je me demandais bien comment est-ce qu’il allait garder la paix durant cet événement… Ce n’est pas comme si tous les souverains étaient amis. Je soupirais et continuais à observer l’espace qui s’étendait devant nous, même si je sentais le regard de mon géniteur se poser sur moi. Inutile de se donner des chances de plus de paraître insolent ou presque. Comme bien souvent lorsque j’avais eu des discussions de ce genre, un nouveau silence nous sépara. Je me demandais parfois comment se passait ce genre de moments chez les roturiers, s’ils existaient même ! « Nous aurons nombre de choses desquelles débattre et qui méritent toute ton attention. Mais en attendant... La parole t'est laissée. » Je pris enfin la peine de le regarder à mon tour. Ainsi, j’étais libre de parler ? De raconter mon voyage ? De lui avouer tout ce que j’avais ressenti ? Je ne pus réprimer ce petit sourire, et une autre grande question vint à moi comme une claque : par quoi commencer ? Je décidais de suivre un plan plutôt chronologique, au moins, je ne pourrai pas me perdre. Je remerciais le roi d’un mouvement de tête et commençais à parler, puisque cela m’était permis.

« Sheheron. Une île si extraordinaire, tout y est si différent… La population y est beaucoup plus hétérogène, c’est le premier point que j’ai remarqué. La plupart des hommes nous ressemblent, même s’ils ont souvent une peau plus foncée, mais certains… Certains sont gigantesques ! Ils forment la tribu guerrière, et je ne saurais vous donner une moyenne de leurs tailles… Ils sont de sacrés guerriers, d’ailleurs. Ils sont courageux, haineux, et sans peur » Je n’osais évidemment pas dire que c’était à cause d’eux que je m’étais cassé une côte et qu’ils m’avaient poursuivi dans leur dense forêt une nuit pluvieuse alors que je n’étais là-bas que depuis deux jours. « Mais parfois… Leur monde semble identique au nôtre… C’est étrange » Je pensais aux maisons closes par exemple, mais je préférais garder cette information pour moi. J’enchaînais, même si mon père ne devait pas comprendre quel était le fil conducteur de mon récit. « Et les femmes ! Elles ont toutes, presque sans exception, un charme incroyable, à en couper le souffle ! » Je pensais particulièrement à Valenna, la sœur de Leandra. Elle était celle qui avait le plus accroché mon regard. Ses cheveux n’étaient pas du tout comme ceux de sa sœur, pas aussi originaux, mais elle avait su me plaire. Les yeux dans le vague, j’essayais de reformer son image, le temps écoulé depuis notre rencontre ne facilitant pas les choses. « Sheheron est un autre monde… », Ajoutais-je pour finir. Un monde qui appartenait à une femme qui, doucement, me faisait sortir de ce deuil qui n’avait duré que trop longtemps.
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