La nouvelle avait jeté un froid. Mon regard se portait sur le valet, puis mon père, le Seigneur Raleigh, et enfin Leandra. Ce dont il l'accusait était ridicule. J'étais persuadé qu'elle n'avait rien à voir avec tout ceci. Si mon père sembla se reprendre rapidement, j'avais du mal à penser clairement. Mon frère. Il avait disparu. Mon frère bien aimé, celui dont j'étais le plus proche, celui qui m'avait toujours soutenu. Il avait été enlevé, sous mes yeux, sans que rien ne soit fait pour l'empêcher. La colère me fit serrer les dents alors que ma main se refermait. Lui succéda en une instant un sentiment de culpabilité. Lui qui avait toujours été là, qui avait toujours la main sur tout... Cette situation là lui avait échappée, et à moi aussi. J'avais failli ce soir. C'en était trop.

Le brouhaha commençant à prendre de l'ampleur, je décrochais mon regard agrippé à la table pleine de vivres, et me tournais vers mon père, qui déjà, tentait de calmer la situation. Je l'appelais, cherchant un guide, un conseil, une autorisation, n'importe quoi qui m'indiquait ce qui était en mon pouvoir. Un regard en direction d'Eleanor me fit réaliser que je connaissais déjà la réponse. Je ne pouvais plus attendre, plus le temps passait, plus la piste se refroidissait. Le temps que les forces soient rassemblées, le groupe serait déjà loin. Bien trop loin. Manquant à attirer l'attention de mon père, je me levais, m'éclipsant du repas. J'allais partir, ce soir, et j'allais retrouver mon frère et la soeur d'Eleanor. Aucun héroïsme ne me guidait, ne vous méprenez pas, mais je détestais être réduit à l'inaction. Et il fallait que je m'occupe l'esprit et les mains pour ne pas me rendre compte que mon seul appui ici avait disparu.

Me glissant hors de la salle de réception, j'ignorais un appel d'un courtisan, et je me précipitais déjà vers les écuries, ma cape noire ornée de fourrure ondulant derrière moi. Arrivé près des chevaux, il ne me fallut qu'une seconde pour attraper une selle et un mords et me diriger vers mon hongre de robe noir jais. Ma précipitation le fit piaffer, et je tentais de me détendre et de poser la selle doucement sur lui. Je me mis à son côté, le visage fermé, passant les sangles dans la fermeture, tirant vers le haut pour la serrer. Alors que j'ajustais les sangles, une voix me fit tressaillir, même si douce, elle était inattendue. J'avais reconnu cette voix, je l'aurais reconnue entre mille. « Je t’accompagne. »

Je me tournais vers Eleanor, les mains toujours empâtées dans les sangles. J'aurais pu tenter de la dissuader, lui rappeler combien les routes étaient dangereuses, de surcroît en pleine nuit. J'aurais pu lui faire comprendre que je n'étais pas en force pour la protéger, que sa présence me déconcentrerait et que je serais moins attentif aux dangers. Tout homme sensé l'aurait fait, il était impensable d'emmener une femme, surtout une femme fiancée et noble en escapade au beau milieu de la nuit, que la raison soit justifiable ou non. Mais lorsque je croisais son regard, je compris que les raisons qui l'avaient poussées à me rejoindre étaient les mêmes que les miennes. Je poussais néanmoins un soupir, fier à la fois de son trait franc de caractère mais désappointé qu'elle soit aussi têtue. Je ne répondis rien. Ils devaient avoir été nombreux à tenter de la décourager, mais personne n'avait réussi. Je ne pouvais empêcher un certain sourire de se frayer un chemin parmi mes traits creusés par l'angoisse. Eleanor Adeney faisait ce qui lui plaisait. Dommage qu'elle ne pouvait pas s'opposer avec plus de raideur à ses fiançailles.

Pour avoir échangé quelques mots avec son futur mari, il ne m'avait pas fait bonne impression. Me demandant des conseils sur Eleanor, comment la séduire, c'était plus que ce que je ne pouvais lui donner. Elle m'était inaccessible, j'en étais au courant, mais il était hors de question que je lui facilite la tache. Que le meilleur gagne après tout. Exaspéré par ses propos, je m'étais retiré le plus vite possible jusqu'à ma table, où j'étais lorsque la nouvelle nous avait été annoncée. Eleanor sembla surprise de mon peu de résistance alors que je lui répondais, continuant à seller mon cheval. « Bien sûr que tu m'accompagnes. » Je n'en avais jamais douté. Elle se dirigea vers une autre monture, mais je l'arrêtais, attrapant son bras, secouant la tête. « Tu montes avec moi. Je te veux avec moi au cas où quelque chose se passe. » Le cheval fut près en quelques secondes, et je montais, puis je lui tendais on bras pour qu'elle s'installe derrière moi. Elle l'attrapa, et tandis que j'attrapais une torche sur un présentoir, je la sentis glisser ses bras autour de ma taille. Un long frisson en rien du au froid me secoua de la tête aux pieds, et nous quittions Noirpalais, dans la discrétion la plus totale, nous engouffrant dans une nuit aussi froide que noire.

La torche que j'avais récupérée nous procurait lumière et chaleur. Même si je n'avais pas spécialement besoin de ce dernier, tant la proximité entre Eleanor et moi mettait mes nerfs à vif. Je la sentis bouger légèrement, et un bras se détacha de ma taille pour aller tâter une chose que je ne vis pas. Je serrais la mâchoire, tentant de voir quelque chose dans la nuit noire qui nous encerclait. Le plus judicieux avait été de partir maintenant. Les traces seraient fraîches, et il serait plus facile d'anticiper leurs idées. Peu importe qui ils étaient, je me fichais pas mal de ce qu'ils voulaient. S'ils avaient fait un quelconque mal à mon frère ou à un des autres héritiers... ils le paieraient le pri fort. Je n'étais pas violent, je n'étais pas impulsif. Mais toucher à ma famille était un crime qui ne pouvait se payer que d'une seule façon. Dans le sang.

La voix d'Eleanor me rappela à la réalité, et je desserrais ma mains sur les rênes, tenant toujours fermement la torche. « Que faisons-nous maintenant ? » Pendant un instant, j'en oubliais presque la raison de notre escapade. Cette scène ressemblait à s'y méprendre à celle dont j'avais maintes fois rêvée, elle et moi, partant ensemble, libres comme le vent, nous forger un nouveau nom et une nouvelle vie. Oui, à s'y méprendre. A ceci près que dans mon rêve, personne n'était en danger. Je e e concentrai sur ce que mon frère ferait dans une telle situation. il utiliserait sas tête, et il chercherait à réfléchir et à toujours garder un pas d'avance sur les adversaires. Seulement, il était difficile de faire ces deux choses là. La situation était trop différente, et nous n'avions aucun indice sur l'identité des kidnappeurs. Il était donc impossible de pouvoir prévoir leur comportement. Je fus pris d'une vague de découragement, mais une légère pression des bras d'Eleanor autour de moi me rappela que jen'en avais pas le droit. Pas maintenant.

Nous arrivions à un carrefour, où deux chemins se distinguaient, l'un menant plus vers le nord et le froid, et l'autre descendant littéralement vers le sud. J'arrêtais la monture, prenant une seconde de réflexion. Je regardais au sol. Ce que la torche éclairait ne donnait que très peu d'indices. Je répondis en fin à Eleanor, d'une voix distraite. « Nous cherchons. Ils ne peuvent pas être allés bien loin pour l'instant. Nous devons penser comme eux... » Je marquais une pause, puis repris la parole, ayant fait mon choix. « ...et ainsi penser à l'inverse de nous. Ils ne les emmèneraient pas vers le nord, il fait trop froid, et la route est périlleuse. Ils le savent, et je ne les crois pas stupides. Non... Ils le emmèneront vers le sud. » C'était quelque chose que j'aurais fait. A moins que ça soit une chose qu'ils voulaient que l'on croit qu'ils feraient. Je restais perplexe. « C'est la direction qu'ils veulent qu'on prenne, quitte à bifurquer vers l'ouest ou l'est plus tard. » Je claquais la langue pour que le cheval s'élance vers le sud. « Mais ils ne s'attendent pas à ce qu'on les suive de si près. »

Le cheval eut le temps de faire quelques foulées avant qu'Eleanor ne m'adresse la parole. « Ils cherchent sans doute un endroit pour les cacher. Un repaire. Peut-être dans la forêt ? Un endroit difficile d’accès où on ne pourra les trouver. Ou bien ils sont en route pour un espace éloigné, assez loin de Farelden pour se sentir à l’abri. » Je hochais la tête et expirais, dégageant une large fumée de vapeur d'eau dans la nuit noire. La deuxième hypothèse semblait être la plus probable. Ils ne gaspilleraient pas de temps à tourner en rond dans les terres trop proches de leur méfait. Non. Ils iraient vers le sud, c'était certain mais où? Un endroit discret et éloigné, certes, mais il y en avait des millions comme cela sur les terres. Et puis, mon domaine de connaissance s'arrêtait à la frontière de Farelden et des autres royaume. J'avais peu voyagé au delà, à mon grand regret. Je restais silencieux, passant les possibilités dans ma tête. Nous continuions à avancer, doucement mais sûrement. Les températures semblaient s'être rafraichies, du moins, telle fut ma conclusion lorsque je sentis les bras d'Eleanor se resserrer autour de ma taille et sa tête se porter contre mon dos. J'espérais qu'elle ne se faisait pas trop de soucis. Je tentais de rester immobile du mieux que je pouvais, lui offrant chaleur, stabilité et sécurité alors qu'elle semblait s'endormir. Mon seul regret étant de ne pas être ne mesure de la regarder dormir.

Elle sembla sombrer un instant dans le monde des rêves, me laissant seul avec mes pensées et les ombres que la torche affichait au sol. Je ne pouvais m'empêcher de penser à Markus. Une image morbide s'imposait en moi, présageant d'un grand malheur, une image atroce, de mon frère bien aimé gisant là, à terre, immobile et pâle comme la mort elle même. La fatigue et la lassitude m'assaillirent brusquement, et je me rendis compte que je l'enterrais avant même de l'avoir retrouvé. Je me repris rapidement, pensant à Eleanor et à toutes les personnes qui comptaient sur moi. Je poussais le cheval qui continua pendant encore une bonne dizaine de minutes. Si traces il y avait eu, aussi fines soient elles, elles avaient maintenant disparues. Je finis par stopper le cheval, interrogeant silencieusement Optitia sur la démarche à suivre. Ne pouvait-elle au moins m'éclairer? Me donner un indice? Désespéré et fou que j'étais, de faire appel aux dieux. Ils ne pouvaient rien pour moi, et encore moins pour mon frère. Eleanor sembla émerger à nouveau, et je lui dis, d'une voix fatiguée. « Peut-être... Peut-être devrions nous arrêter pour aujourd’hui. » Ceci ne menait à rien de constructif. Revenir au château et coordonner les recherches. Ceci était utile. Je m'apprêtais à faire demi tour lorsqu'Eleanor se détacha de moi, rompant notre contact. Elle saisit ma torche à bout de bras et s'élança vers les buissons. « Eleanor! » chuchotais-je à mi voix. Quelle mouche l'avait donc piquée? Je devais assurer sa sécurité et voilà qu'elle me filait entre les doigts. Je descendis de cheval et la suivais, la main sur la garde de mon épée. Je la trouvais sur le sol, tenant entre ses mains quelque chose. Sa voix cria mon nom, et mon coeur chavira.

« Arès ! C’est un morceaux d’étole. C’est celle d’Ametys, je la reconnais ! Elle est passé par ici, c’est son étole ! Tu… Tu crois qu’ils lui ont fait du mal ? Je ne vois pas de sang mais elle est peut-être blessée ? Ho pitié non ! Faîtes qu’il ne lui soit arrivé. » Je m'approchais à sa hauteur, m'accroupissant à ses côtés, prenant soin de ne pas marcher sur sa robe étoilée autour d'elle. Eleanor serrait entre ses doigts ce morceau de soie, comme un nourrisson s'accroche à sa mère. Je la sentis trembler, et sa voix se brisa. Je ne savais pas quoi lui répondre, je ne savais pas ce que cela signifiait. Son corps s'agita, et lorsque je tournais la tête vers elle, la lumière de la torche éclaira les sillons que les larmes creusaient sur mon visage. Je me tendis vers elle, l'attirant vers moi. « Hey, tout va bien, ne sautons pas aux conclusions hâtives. Pour ce que l'on en sait, elle est toujours en vie d'accord ? » Mon intervention semblait avoir eu peu d'effet. Comment aurais-je réagi moi, si j'avais trouvé un bien de mon frère? Je l'éloignais de moi, prenant son visage en coupe entre mes mains, écartant quelques mèches de ses cheveux or. « On va les retrouver, tu m'entends ? Ne t'en fais pas. » J'étais démuni face à sa tristesse, aussi je l'attirais à nouveau contre moi, une main caressant doucement ses cheveux. Je déposais un baiser au sommet de son crâne et je la berçais doucement, laissant le temps m'échapper. Cela voulait au moins dire une chose.

Nous allions dans la bonne direction.

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Je la berçais doucement contre moi, la sentant trembler de tout ses membres. Je ne savais pas quoi penser de notre découverte. Nous allions dans la bonne direction, si nous continuions, nous pourrions les retrouver. Tout cela ne serait alors qu'un mauvais rêve, un cauchemar irréaliste qui s'effacerait au réveil. Elle se blottit contre moi, et je la serrais un peu plus, fermant les yeux, humant son délicat parfum, tentant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Etait-ce possible qu'Ametys ait laissé cette étoffe délibérément derrière? Elle voulait nous envoyer un message, pour nous permettre de les retrouver. Le message avait été trouvé. Je me félicitais pour être parti aussi rapidement de Noirpalais. Qui sait? Si nous ne l'avions pas fait, quelqu'un aurait peut-être trouvé cette preuve, ou il l'aurait déplacé. La situation était aussi bonne qu'elle pouvait l'être compte tenu des circonstances, alors pourquoi avais-je l'impression que mon ventre se nouait? J'étais inquiet pour mon frère, j'étais inquiet pour Ametys, et aussi pour tous les héritiers enlevés. Je n'en comprenais pas le motif, et j'étais laissé dans l'ignorance quand à leurs motivations. Peut-être était-ce la vraie raison de mon désarroi? Ou était-ce les bras d'Eleanor autour de moi?

Lorsque je rouvris les yeux, la nuit était toujours au dessus et tout autour de nous. Le vent s'était levé, et la torche brûlait juste à nos côtés. J'observais un instant Eleanor, qui semblait plus paisible à présent. Je dégageai une mèche de ses cheveux dorés. Elle était si belle. On aurait cru à un ange assoupi, j'en jurerais. Elle sembla émergerà nouveau, et elle se dégagea de moi. Je me relevais, attrapant la torche d'une main, puis lui tendant mon autre main pour l'aider à se relever. Elle glissa sa main dans la mienne, un agréable frisson me parcourut, et nous retournions vers le cheval. « Nous somme sur la bonne voie. Que les dieux nous viennent en aide. » Je hochais la tête en silence. La nuit était toujours là quand nous reprenions la route. J'en arrivais à croire que jamais le jour ne se relèverait. Je claquais la langue pour indiquer au cheval qu'il était était temps de repartir, et Eleanor repassa ses bras autour de ma taille. Pendant un moment, rien de spécial ne se passa. Et puis au bout de quelques minutes, je la sentis glisser, un peu, et encore un peu. Lorsqu'elle commença sérieusement à se décaler, je me tournai vers elle, arrêtant le cheval, l'appelant par son prénom. Elle ne répondit rien, et j'arrivais à attraper son bras avant qu'elle ne tombe complètement. « Je me suis endormie ! » s'écria-t-elle au bout d'un instant. Je la tirais vers moi, causant un mouvement du cheval. Elle reprit ses esprits, et moi les miens, puis elle descendit doucement, pour rattraper sa couronne, elle bien sur l'herbe. Je mis pied à terre de même. Je la vis flatter l'encolure du cheval, puis ses yeux se braquer sur moi, et enfin je perçus sa voix. « Lui aussi doit être fatigué. Nous ferions mieux de faire une pause. Une courte pause. »

Je je jetai un coup d'oeil alentour. Cela n'était pas un endroit pour s'arrêter, encore moins pour camper. Nous n'aurions pas du être ici en premier lieu. Si Père avait envoyé des troupes dès l'instant où out ceci s'était produit, nous n'en serions pas là. Une sorte de colère s'empara de moi en pensant au temps gâché. Je contournai le cheval et arrivai du côté d'Eleanor. Je lui tendis la torche qu'elle prit puis je soulevai le pan de la sacoche, et attrapai la couronne de la jeune femme. Je m'approchais d'elle, et la lui posais délicatement sur la tête. Je l'ajustai bien, et je plaçais quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles. Je laissais mes mains redescendre doucement le long de son visage. « Encore mieux. » lui soufflais-je, à bout de souffle pour une raison inconnue. Je plongeais mon regard dans le sien. « Beaucoup mieux.. » Je chuchotais à présent, comme captivé par son regard, comme si les mots n'avaient plus d'importance. Le moment était parfait. Peut importait ce qu'il se passait autour. Et c'était égoïste de dire cela, je le sentais. Mais j'avais la sensation qu'à part elle et moi, plus rien n'existait. Je m'approchais d'elle doucement, comme testant quelque chose, quelque chose que nous connaissions déjà, par une fois, quelques années auparavant, alors que tout était plus simple. Tu es le genre de personne que j'aime... Je me souvenais de ces mots, comme gravés à jamais en moi. Et je me souvenais de cette sensation, brûlante, fiévreuse, tremblante, de ses lèvres contre les miennes. Un baiser rapide, un baiser volé.

Mon coeur s'accéléra au moment où nos lèvres allaient s'unir, et au même instant, un bruit de sabots m'alerta. Je m'éloignais d'Eleanor, à regret, et je contournai à nouveau le cheval, le calmant du mieux que je pouvais. Dans l'ombre, je ne vis qu'un reflet d'armure. Je posais la main sur la garde de mon épée, reprenant la torche. « Identifiez-vous! » lui criais-je. L'homme fit un pas, et je serrai la main sur la garde de mon épée. Il arriva dans le halo de lumière, et s'inclina. Il portait l'aigle Blackrain. Je me détendis. « Prince Arès, le Seigneur Votre Père m'envoie vous quérir. Il requiert votre présence immédiate. » Evidemment qu'il le faisait. Cela n'était qu'une question de temps. Je m'approchais de lui et le redressait. « Retourne à Noirpalais aussi vite que possible, dis à mon Père que nous avons une trace. Il doit envoyer toutes les troupes vers le sud, le plus vite possible. » L'homme acquiesça, mais il resta comme figé. Je fronçais les sourcils. « Il m'a expressément demandé de ramener la princesse Eleanor, votre Altesse. » Je me tournais vers la jeune femme. Elle serait capable de choisir par elle même. Mais je craignais que son caractère bien trempé n'ait raison de la piètre détermination du soldat. Je lui lançais, avec un léger sourire que le garde ne pouvait pas voir. « Il a raison, vous devriez rentrer avec lui, princesse. »

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Evidemment, la réponse fut telle que je l'attendais. Elle me lança un regard effaré qui me fit sourire, avant de répondre en s'écriant que ce n'était pas une option envisageable. Je jetai un coup d'oeil au soldat. Il semblait désarçonné par la réaction si brusque de la jeune femme. Sans nul doute ne lui avait-on pas dit qui elle était et comment elle se comportait. Pour moi, ça n'était pas une surprise. Il sembla perdu un moment, à en juger par son regard vide, mais il se ressaisit lorsqu'Eleanor reprit la parole. « Je remercie profondément mon oncle de se soucier de moi. Mais il me connaît, je suis incapable de rester à attendre que l’on me donne des nouvelles de ma sœur et de mon cousin. Il est de mon devoir de les rechercher moi-même. De plus le père de mon fiancé est lui aussi en danger et je me dois de lui porter secours. Portez cette réponse à mon oncle. » Je l'observais un moment. On lui laissait le choix, certainement pour l'une des premières fois dans sa vie, alors elle était bien décidée à l'avoir. La mention de son mariage ne rata pas mon oreille, mais je décidai de ne pas relever. Elle tenait fermement entre ses mains l’étoffe d'Ametys. Je commençai pour ma part à me raviser. Il était peut-être temps de rentrer et d'organiser les recherches avec Père. « Vous avez entendu la princesse. » lançais-je au soldat avec un hochement d'épaule désolé, comme si je n'y pouvais rien. « Mais, mon Prince, j'ai des ordres très clairs.. » Je m'étais approché, et je lui expliquais ma pensée. « Nous serons juste sur vos talons. Rompez. » finis-je d'une voix autoritaire. Sans plus tarder, il remonta sur son cheval après une légère révérence, puis il repartit doucement en direction de Denerim. Je revenais près d'Eleanor. « Nous rentrons à présent. » lui dis-je, dans un souffle. Je coupais court à ses protestations en la hissant sur le cheval. « Pas de discussions, nous rentrons. » répétais-je. Elle protesta encore un peu, mais sur le chemin elle se calma. Le chemin retour fut plus court qu'à l'aller, à croire qu'il s'était raccourci. J'étais exténué, mais je restais de marbre pour ne pas glisser de ma selle, préférant le contact d'Eleanor à celui du sol, sans aucun doute. Nous arrivions finalement à Denerim, et puis ensuite jusqu'à Noirpalais. Si l'agitation dehors s'était calmée, le froid était encore pus vif ici, et la mère d'Eleanor l'attendait, semblant frigorifiée. En voyant revenir sa fille, elle s'avança de quelques pas. « Ma fille! Où étiez-vous?! Inconsciente que vous êtes à vous enfuir au beau milieu de la nuit! » Sans lui laisser le temps de répondre, elle s'adressa à moi. « Merci, prince Arès de l'avoir retrouvée. » J'ouvris la bouche comme pour protester, puis me ravisa, trop fatigué pour ça. Je hochais simplement la tête, et regardai Eleanor s'éloigner avec sa mère qui la frictionnait. Elle se tourna un moment, nos regards s'accrochèrent, et je lui dis sans un seul son. « Bonne nuit. »

Un palfrennier vint s'occuper de mon cheval, et je rejoignis le soldat qui était venu nous retrouver pour qu'il me mène jusqu'à mon Père. La nuit n'était pas terminée.

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